Entreprendre

Salarié ou indépendant ?

 

Lancer un réseau de vente directe ne se fait pas à la légère. Il faut recruter une force de vente efficace apte à générer un chiffre d’affaires suffisant pour permettre à l’entreprise de subsister. Mais quel statut choisir ? Vendeur salarié ou indépendant ?
 
Choisir un statut pour ses vendeurs, quand on crée un réseau de vente directe, n’est pas chose aisée. Suivre l’exemple des concurrents peut être un bon moyen de ne pas se tromper, mais comprendre ces décisions est encore mieux. Et lorsque l’on interroge les professionnels du secteur sur le choix entre indépendant et salarié, la réponse est claire : “Indépendant, indiscutablement, car il n’a pas d’horaires”, affirme Philippe Dailey, consultant référencé Méridian-France et président d’honneur de la FVD (Fédération de la vente directe). Car bien que le VRP (Voyageur représentant placier) n’ait pas non plus d’horaires si l’on en croit la loi, dans les faits, la situation est plus compliquée…
En effet, “suite à une succession de décisions judiciaires et de l’État, on a limité l’interprétation du VRP sans horaires”, explique Philippe Dailey. Sur le papier, seuls les résultats permettent de mesurer le fait que ce vendeur salarié travaille ou pas. Mais au travers des différentes décisions rendues au fil des années, on s’est finalement mis à compter ses heures. Ainsi, s’il travaillait plus, il devait être rémunéré plus. “D’une position claire où le VRP décidait de son agenda, nous sommes passés à une mesure de son temps d’activité (…). Mais l’aspect horaire n’a pas de sens dans la vente directe.”
Ainsi, pour Serge Step, directeur général de Silit (ustensiles de cuisine), “le statut de VDI (Vendeur à domicile indépendant, ndlr) s’applique parfaitement à notre type d’activité de vente à domicile : c’est souvent une activité complémentaire. Ce statut est parfait pour cela, en opposition au VRP plutôt pour des professionnels”.
 
VDI : un statut adapté à la vente directe
Ce que confirme Jean-Luc Mezzana, co-gérant de la société Just France (compléments alimentaires). “Notre préférence va vers le VDI, à cause de la législation principalement. Mais aussi parce que pour une activité à temps plein, mieux vaut avoir des salariés ; tandis que la plupart de nos vendeuses sont à temps partiel.” D’ailleurs, la quasi totalité des conseillères de Just France sont VDI, la société comptant toutefois encore quatre ou cinq représentantes non statutaires (salariées) ayant commencé l’activité il y a une vingtaine d’années, alors que le statut de VDI n’existait pas encore. En effet, pour rappel, le Vendeur à domicile indépendant a été créé par une loi du 27 janvier 1993, aujourd’hui abrogée (le statut a été transposé dans le Code de commerce par l’article 61 de la loi du 4 août 2008).
Ces derniers contrats de salariat n’ont pu être modifiés car les vendeuses n’ont pas compris l’intérêt pour elles de le faire. Mais l’entreprise poursuit l’ensemble de ses recrutements avec le statut de VDI.
 
De VRP à VDI
Chez JC Confection (prêt-à-porter, marques Isis, Divilune et Gérard Matel), la stratégie diffère quelque peu. En effet, si Hervé Tétard, gérant de la société, est d’accord avec ses homologues pour dire que le statut du VDI est adapté à une personne qui ne cherche qu’un complément de salaire (c’est le cas de ses marques Divilune et Gérard Matel), pour un plein temps (ou quasi-complet), il préfère le salariat. La distribution de sa marque Isis se veut plus professionnelle et demande un investissement en temps supérieur aux deux autres collections. Les vendeurs ont un minimum de chiffre d’affaires à réaliser pour vivre de leur activité. Ainsi, les conseillers Isis démarrent en tant que VDI et, dès qu’ils ont atteint un certain niveau en termes de chiffre d’affaires, deviennent VRP.
Néanmoins, ces statuts n’ont pas été choisis au départ : Isis a racheté, à l’époque de sa création, un réseau de vendeurs salariés (VRP), tandis que JC Confection a acquis la marque Gérard Matel alors qu’elle était distribuée par des VDI. L’histoire a aussi son rôle à jouer…
Chez Silit également, on a un passé de VRP. Mais quelques années après la naissance du statut de VDI, la société s’est engouffrée dans la vague du changement et a adopté le nouveau statut “plus adapté à notre secteur d’activité”, insiste Serge Step.
Quoi qu’il en soit, Jean-Luc Mezzana et Serge Step se rejoignent pour dire que le VDI offre une gestion administrative simplifiée. Le contrat peut être rompu par les deux parties sans contraintes particulières, un atout pour l’entreprise comme pour le vendeur. Et même si indépendance rime avec liberté et est en totale contradiction avec un quelconque lien de subordination (la société ne peut pas fixer d’objectif, imposer un rythme et un horaire…), sur le terrain, “je n’ai pas vu une grande différence entre les VRP d’hier et les VDI d’aujourd’hui”, précise Jean-Luc Mezzana.
 
Habitat, immobilier… des cas particuliers
En outre, pour Serge Step, une société qui s’appuie sur des VDI doit privilégier le nombre. Miser sur la qualité, certes, mais en recrutant une grande quantité de candidats plutôt que de focaliser uniquement sur des professionnels. Ce que confirme Hervé Tétard : “Pour les sociétés qui n’ont que des VDI, il faut du nombre. Si le réseau est constitué de salariés, l’entreprise en recrutera moins car elle leur consacrera plus de temps qu’à des indépendants”.
Il existe des secteurs où le salariat est plus adapté, comme l’immobilier ou encore la rénovation de l’habitat. La valeur du produit et sa technicité vont alors jouer un rôle déterminant dans le choix du statut. “Quand il faut fournir à un vendeur une compétence de haut niveau, l’entreprise fait un investissement : elle va donc vouloir s’attacher ce vendeur par le salariat”, explique Philippe Dailey. En cas de très forte technicité, les informations transmises sont importantes pour l’entreprise. Ainsi, si un VDI reçoit une formation, cette dernière sera moins longue et délicate.
Toutefois, selon Philippe Dailey, “le statut de VRP est amené à disparaître”. Smic garanti, notion d’horaires, limitation du montant des frais professionnels à déclarer au fisc… Le salariat classique, en CDI, devrait le remplacer.
 
Quel statut pour l’animateur ?
Il existe un autre cas où le choix entre indépendance et salariat se pose en vente à domicile : lorsque le vendeur grimpe les échelons et acquiert un rôle d’animation, voire de plus grandes responsabilités. Chez Just France, les VDI deviennent VDI monitrices et, lorsque la loi les oblige à changer de statut (quand leur rémunération dépasse le plafond autorisé pour demeurer VDI), elles deviennent salariées en CDI. “Elles n’aiment pas le statut d’agent commercial, cela leur fait peur, souligne Jean-Luc Mezzana. Elles ont déjà des difficultés à bien comprendre celui de VDI…”
Mais pour Philippe Dailey, c’est une profonde erreur : “Quelqu’un qui a fait sa carrière et bâti ses performances sur sa réussite personnelle, vous ne pourrez pas le repositionner dans un [esprit salarié], une sécurité… Il lèvera le pied”. Malgré tout, lorsque le niveau de responsabilité est à son maximum (un responsable Nord et un responsable Sud par exemple), cette solution est envisageable. Bien que là encore, Philippe Dailey émette des doutes dus au fait que ces salariés sont souvent plus éloignés du terrain selon lui. “Dans le multiniveaux, il y a une motivation, une dynamique que je ne connaissais pas chez des salariés.” Jean-Luc Mezzana explique néanmoins que dans sa société, notamment, ses animatrices bénéficient d’une voiture de fonction, élément qui ne peut être, d'après lui, octroyé qu’à des salariées.
Chez Silit en revanche, on a fait le choix des VDI même pour les animateurs. Si ces derniers dépassent le plafond autorisé, ils deviennent donc agents commerciaux, “sauf si la société confie une responsabilité au niveau d’un secteur ou d’une région. Dans ce cas, ils peuvent être salariés”.

Ajouter un commentaire

Votre adresse IP ne sera pas collectée Vous pouvez renseigner votre prénom ou votre pseudo si vous êtes un humain. (Votre commentaire sera soumis à une modération)